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02 Novembre 2020

Pour une rentrée réussie : donner à la jeunesse les moyens de son émancipation

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Pour une rentrée réussie : donner à la jeunesse les moyens de son émancipation

Eric Chenut, Président d’ADOSEN, association de prévention MGEN. @EChenut

En rendant hommage au « héros tranquille » qu’était Samuel Paty, professeur d’histoire tué par un islamiste pour avoir fait son métier, en l’occurrence avoir donné un cours sur la liberté d’expression, Robert Badinter a rappelé sur France Inter d’une voix forte ce que notre société doit au corps enseignant : « des femmes et des hommes qui s’exposent pour nous, pour la République, qui tiennent bon les valeurs essentielles sans lesquelles la République n’existe plus. Ce sont eux les vrais combattants de la liberté ».

Des mots sobres et dignes pour saluer un homme et une vie digne.

Lundi 2 novembre, à l’occasion de la rentrée des classes, toute la communauté éducative et les élèves rendront hommage à leur tour à Samuel Paty. Il était notre professeur à toutes et tous. Il incarne désormais la République laïque, universaliste, fondée sur une école soucieuse de transmettre à chaque élève les outils et les valeurs permettant son émancipation, son accession à une citoyenneté libre et éclairée.

A la veille de cette rentrée, il faut d’abord rappeler que la République doit être à la hauteur des enjeux comme à hauteur de chaque citoyen, doit faire pleinement confiance aux équipes de direction dans les établissements, doit soutenir ses enseignants. Elle doit leur apporter tous les égards dus à leur statut de cadre et défenseur de la République, car, en dernière analyse, c’est ce que sont les professeurs et personnels de direction de l’éducation nationale. Une République intelligible, effective, agit en cohérence avec son discours, met en place des politiques publiques accessibles à toutes et tous, maille le territoire de services publics efficients garantissant le bien commun et l’intérêt général. Les services publics sont l’incarnation au quotidien des principes de la République, ils répondent à la question sociale. Une république audible qui fait respecter le statut des fonctionnaires, qui applique pleinement et entièrement la loi de 1905, dans ses principes, dans sa lettre et son esprit.

Il appartient ensuite aux acteurs de l’éducation nationale de se mobiliser sur la question de la laïcité à l’école, dont la liberté d’expression est une des dimensions.

L’ambition d’ADOSEN, l’association de prévention MGEN qui intervient dans le domaine de la santé et de la citoyenneté de la maternelle à l’université, est de se tenir aux cotés de la communauté éducative, de créer les conditions pour que les jeunes, citoyen.ne.s en devenir, s’émancipent par l’éducation, la citoyenneté, la culture, la santé et la solidarité. La citoyenneté est un tout et la liberté s’apprend dès le plus jeune âge.

Nous sommes confiants dans la capacité de notre jeunesse à prendre son avenir en main. Ce n’est pas la jeunesse caricaturée en génération consumériste et égoïste trop souvent décrite. Elle réinvente l’engagement, selon des modes plus séquentiels et moins institutionnels que les générations précédentes. Cette génération est très engagée pour le climat, pour la biodiversité, pour lutter contre toutes formes de discriminations, pour une société plus inclusive, moins inégalitaire et donc plus humaine et responsable. A cette limite près qu’elle semble, plus que les générations précédentes, perméable au relativisme ambiant qui voudrait que toutes les idées se valent et que l’idéologie du « c’est mon choix », d’émission télé des années 90, se soit invitée dans l’espace public comme « vérité ». Caroline Fourest s’en est moquée tout en s’en inquiétant dans Génération indignée (Grasset, 2020). Il est effectivement du devoir des enseignants (et des parents !) de remettre au goût du jour l’idée que la République n’est pas un régime neutre, que la liberté de conscience s’est construite contre une Eglise qui régentait les âmes à travers le dogme et que la laïcité est avant tout une doctrine de la liberté individuelle qui vous laisse le libre choix de votre transcendance, qu’elle soit divine, philosophique, athée etc.

Sur le chemin qui mène les enfants de la République à s’élever au rang de citoyen.ne.s libres et éclairés, les professeurs jouent le rôle de passeurs de valeurs, de tuteurs, ne disions-nous pas il y a encore peu instituteur, issue du latin institutor, « celui qui fonde » ? Ils sont là pour leur inculquer ce que recommandait Montaigne : le scepticisme distancié. A cet égard, ADOSEN héberge une doctorante du Centre de recherche en éducation de Nantes (CREN) qui travaille sur la construction de l’identité à l’adolescence par la pratique du dialogue philosophique, méthode qui permet de « cultiver la faculté de jugement dès le plus jeune âge. Elle vise le développement d’une pensée multidimensionnelle et de dispositions sociales collaboratives et solidaires. » (Agathe Delanoë, Notes du CREN n°31, juin 2020).

En restant à disposition du monde enseignant, ADOSEN porte et soutient des actions pour éveiller les esprits, faire émerger et conforter l’esprit critique, pour apprendre à « être au monde » avec un véritable recul de citoyen.ne.s en capacité de s’affranchir des dogmes aujourd’hui si présents, qu’ils soient religieux, libéraux et consuméristes, ou numériques, du fait du nouvel ordre social moral et comportemental qu’induisent les réseaux sociaux et autres GAFAM ou BATX… Notre association s’appuie sur une équipe de salariés, des volontaires en service civique et est animée dans toute la France par des militants laïques, républicains et humanistes, engagés dans la promotion dès le plus jeune âge de l’égalité filles-garçons, femmes-hommes, à travers la mini-série stéréotypes/stéréomeufs coproduite depuis 3 ans avec les studios d’Arte, qui sert de support au dialogue avec les élèves dans les classes (400 000 élèves à ce jour). Nous mettons à disposition des enseignants d’autres outils comme Filgood qui se fonde sur l’analyse objective et l’intelligence collective pour faire émerger des projets utiles à toutes et tous (20000 élèves sur les deux dernières années).

C’est à travers l’engagement mutuel, entre communauté éducative, parents et enfants que nous réussirons à reconstruire cet horizon commun qui est de « de connaitre le bonheur de vivre dans un État de liberté » comme nous le rappelait si justement Robert Badinter, et que nous rendrons le meilleur hommage qui soit à Samuel Paty.

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