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03 Février 2021

Rencontre avec Claire Supiot – Des JO de Séoul aux Jeux Paralympiques de Tokyo

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Rencontre avec Claire Supiot – Des JO de Séoul aux Jeux Paralympiques de Tokyo

Claire Supiot avait 20 ans en 1988 et concourait aux Jeux Olympiques de Séoul dans la discipline de la natation. Elle va être diagnostiquée atteinte de la Maladie de Charcot-Marie-Tooth* en 2008 et va reprendre la pratique du sport d’abord à travers de l’aquagym suivi des entraînements en natation en handi-sport.

En 2018, elle va remporter la médaille d’or sur le 50 mètres nage libre au Championnat d’Europe de Natation HandiSport à Dublin, puis au Championnat du Monde de Natation Handisport à Londres. Elle remportera la Médaille de Bronze sur le 100 mètres nage libre ainsi que sur le 50 mètres nage libre. A 52 ans, Claire prépare les JO Paralympiques de Tokyo qui se dérouleront en 2021.

Marquer l’histoire du sport en offrant une ou plusieurs médailles à la France mais aussi changer le regard sur les athlètes en situation de handicap ou de maladie, voici le fil rouge de sa vie de sportive. Nous avons eu la chance de pouvoir poser quelques questions à Claire Supiot, dont l’incroyable destin est un symbole d’espoir pour ceux et celles qui portent un handicap et qui aiment le sport.

 * La maladie de Charcot-Marie-Tooth est une maladie caractérisée par une paralysie progressive causée par la dégénérescence des neurones qui transmettent les ordres de mouvement aux muscles.

 

Pendant un temps, vous avez cessé la compétition et arrêté vos activités. Quel a été le déclic pour que vous décidiez de reprendre une place dans le sport ?

Le déclic s’est fait progressivement en reprenant une activité physique de l’aquagym avec ma voisine et puis le retour de mon grand frère, entraîneur de natation sur la région, il m’a invité à faire les interclubs avec lui. Et surtout le regard de mon chéri et de mes enfants.

 

Comment vous entraînez-vous et quelles sont les différences par rapport à votre vie d’athlète avant la maladie ?

Par semaine, j’ai sept séances en natation, je fais deux séances de musculation, une séance de préparation mentale, une séance de pilate, une séance d’étirements assistés, deux séances de kiné, l’ostéopathe à cela s’ajoute des visites chez la nutritioniste, la naturopathe, la psychologue et le neurologue. Je peux faire tout ça car j’ai une convention avec mon employeur (le département de Maine-et-Loire) et la région ainsi que la Fédération.

Les différences d’entrainement ne se font pas forcément par rapport à la maladie mais plus par rapport à l’âge et le fait que j’ai déjà fait une carrière sportive. Bien sûr, les entraineurs prennent en compte qu’avec Charcot Marie Tooth je peux avoir de la fatigabilité un peu plus importante qu’un nageur lambda.

 

Quelle place donnez-vous au mental dans votre pratique quotidienne du sport ?

Pour le mental je dirais que je donne 80 %. Pour cela, la préparation mentale m’aide beaucoup.

 

Vous fixez-vous des défis au quotidien ?

Je pense que maintenant, avec Charcot Marie Tooth, ma vie est devenue un défi quotidien.

 

Avez-vous l’impression que la pratique de votre sport vous permet de reprendre une forme de contrôle face à la maladie ?

La reprise du sport ne me permet pas de contrôler la maladie. Il me permet de contrôler mon corps et d’optimiser ce qui peut encore fonctionner, c’est-à-dire tout ce qui va être mon cœur ma respiration et les muscles qui ne sont pas encore atteints. Je sais, pour l’instant, que je ne vais pas gagner contre la maladie mais je me suis promis qu’elle ne gagnera pas facilement.

 

Qu’est ce qui a été le plus dur dans ce retour vers le sport de haut niveau ?

Ce qui a été le plus dur dans ce retour de sport de haut niveau ça a été de reprendre un rythme d’entraînement, le rythme des séances mais également le rythme dans l’eau. Je me rappelle au départ j’avais toujours l’impression d’être à fond tout le temps pendant la séance, maintenant j’arrive à aller moins vite. Revenir au niveau c’était aussi partir en voyage, partir dans des hôtels et je me rappelle au départ ce qui était le plus dur pour moi c’était de reprendre le train toute seule avec mon fauteuil roulant sans que mon chéri soit avec moi.

 

Pour les jeunes qui sont confronté.es au handicap, il est souvent difficile de supporter le regard de l’autre. Y a- t- il un moment qui vous a marqué et où le regard des autres sur vous a été difficile à gérer ? Cela arrivait-il souvent ? Cela vous arrive-t-il encore ? Comment avez-vous réussi à y faire face et est-ce toujours difficile parfois ?

Oui parfois le regard de l’autre était difficile notamment dans la rue où les gens regardaient mes jambes. A la fin de la journée j’avais l’impression de les avoir emmenés jusque chez moi et puis j’ai décidé de prendre le contre-pied (humour 😉) c’est-à-dire qu’à chaque fois que les gens regardaient ma manière de marcher je m’arrêtais je les regardais, je regardais mes jambes et puis je leur demandais si j’avais marché dans de la crotte et à ce moment-là les gens se sentaient tout gênés et ils partaient. Et avec mon chéri ça nous faisaient bien rigoler.

Je me souviens aussi qu’au départ quand j’ai eu mes Pneumaflex, je me sentais pas bien à l’aise  et puis  j’ai réalisé en voyant ma tante en fauteuil roulant qu’elle ne sortait pas dans la rue avec une grande bâche pour se cacher, pour cacher son fauteuil. Elle a été ma force, elle a été mon exemple. Elle était belle avec ses grands yeux bleus, et c’est cela que les gens qui l’aimaient voyaient en premier.

Ce que je conseillerais aux jeunes c’est qu’ils se rendent compte surtout qu’ils sont extraordinaires ils sortent de « l’ordinaire ». Cela veut dire que pour avancer il faudra qu’ils s’inventent chaque jour, ça ne sera pas facile mais ça les rendra chaque jours plus fort dans leur vie. Qu’ils sachent « qu’on ne voit bien qu’avec le cœur, l’essentiel est invisible pour les yeux ». (St Exupery). Alors qu’ils fassent confiance aux gens qu’ils les aiment…

 

En quoi est-ce important de parler du handicap ou de la maladie et de les lier à l’exploit sportif ?

Il est plus facile de faire rêver les gens en leur parlant d’exploit sportif quand les abordant en leur parlant du handicap et de la maladie directement ! Je n’ai pas envie de faire pitié ou même faire peur. Je souhaite faire comprendre qu’avant d’être une « personne en situation de handicap », je suis avant tout une athlète, une femme, une maman, une amie. Montrer par l’exemple que beaucoup de choses restent possibles, même avec un handicap, même avec une maladie… et cela a n’importe quel âge… dès lors que l’on s’en donne les moyens.

 

Le témoignage vous semble-t-il important dans votre vie d’athlète ? Pensez-vous qu’il puisse permettre à certain.es jeunes (ou moins jeunes !) de trouver la force de rebondir face au handicap ?

Je pense que oui, partager mon expérience de ce que je vis en ce moment à 53 ans peut encourager les jeunes à se dire qu’avec leur jeunesse, ils peuvent relever encore plus de défis… et pour les moins jeunes de se dire « pourquoi pas moi » !

 

Les pouvoirs publics et particulièrement l’Éducation Nationale ont un rôle à jouer dans la représentation et l’inclusion du handicap et de la maladie. Quelles seraient les suggestions d’amélioration que vous pourriez leur faire ?

Je pense déjà à :

  • L’accessibilité physique qu’elle soit bien effective dans tous les établissements recevant des personnes en situation de handicap !
  • Mettre une épreuve Handisport dans l’évaluation sportive
  • À l’intérieur de chaque matière que ce soit l’anglais, la physique l’anatomie, le français …. (Autres) on arrive à parler du handicap ou de la maladie avec les spécificités de la matière enseignée.
  • Proposer une formation que ce soit aux élèves ou aux professeurs pour accueillir les personnes en situation de handicap (Ce que je dois dire, ce que je dois faire, est-ce que je dois aider, pas aider, est-ce que je dois forcer la personne en situation de handicap à me dire ce qu’elle a….)

 

Que dire à un.e jeune aujourd’hui vivant une situation de handicap ou de maladie et qui veut réussir et s’épanouir dans une pratique sportive ?

Je lui conseillerais de se rapprocher des professionnels et notamment de la fédération Française Handisport, Le comité départemental handisport, sa mutuelle, la maison départementale de l’autonomie ou bien même de se rapprocher d’un club valide et de demander si il y a des sections Handisport et enfin de regarder sur Internet où il/elle pourrait pratiquer le sport qui l’attire.

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